«What’s Love Got to Do with It?», l’amour et le mariage comme la poule et l’œuf
Il y a trente ans, What’s Love Got to Do with It était le titre d’un biopic consacré à la chanteuse Tina Turner, emprunté à son principal tube: une histoire d’amour vache et même de mariage violent auquel elle avait réchappé. Reprendre aujourd’hui ce titre chargé – même avec un point d’interrogation final – relève donc d’une certaine audace. Ici, la question est devenue la suivante: qu’est-ce que l’amour a donc à voir avec le mariage? Selon la tradition orientale des mariages arrangés, il vient après. Selon l’idéal occidental du libre choix de son conjoint, il vient avant. Et c’est sur la friction entre ces deux conceptions opposées que repose cette nouvelle comédie romantique sûrement appelée à faire un carton.
Aux manœuvres, la fameuse compagnie anglaise Working Title, lancée par les scénarios anglo-pakistanais de Hanif Kureishi (My Beautiful Laundrette, Sammy et Rosie s’envoient en l’air) puis propulsée aux sommets du box-office par ceux de Richard Curtis (Quatre Mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill). C’est Jemina Goldsmith, ex-épouse du premier ministre pakistanais Imram Khan, qui a eu l’idée de celui-ci, son premier, confié au réalisateur indien Shekhar Kapur (les deux Elizabeth avec Cate Blanchett, déjà pour Working Title). Comme quoi même une comédie d’apparence anodine peut avoir un sacré pedigree! Et cela se sent dans le résultat, mélange déroutant de formules éprouvées et de questionnement sincère.
Tradition familiale et contes de fées
Ce qui donne ceci: amis d’enfance ayant grandi dans la même rue, les trentenaires Zoé (Lily James) et Kazim (Shazad Latif) cherchent toujours l’âme sœur. Apprenant qu’il a décidé de se marier avec une inconnue de Lahore choisie par ses parents, Zoé propose ce sujet pour un film documentaire et convainc Kazim de la laisser l’accompagner au Pakistan. Mais la fiancée a l’air bien triste. Quant à Zoé, elle tente vainement d’imiter son ami en sortant avec un vétérinaire vanté par sa mère divorcée (Emma Thompson)… Pas de surprise quant à l’issue d’un tel scénario, après tout conçu en Occident. Mais les complications sont joliment amenées, qui donnent un film presque plus investi dans son humour sociologique que dans son couple! D’un côté, une tradition qui a ses raisons mais qui couvre décidément trop d’hypocrisies, de l’autre un idéal véhiculé en particulier par les contes de fées qui engendre beaucoup de déceptions et de solitude.
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Ni véritable auteur ni simple faiseur, le vétéran Shekhar Kapur (né en 1945 à Lahore, au Pakistan) réussit mieux que d’autres son mélange culturel, même si sa séquence de mariage bollywoodien n’est pas le moment le plus heureux. Sans doute y avait-il aussi mieux à faire avec la jolie idée du film (documentaire) dans le film. Mais la réussite d’une comédie romantique se mesure en dernière analyse au désir de voir ses deux protagonistes finalement réunis. Avec la toujours craquante Lily James (Cinderella, Yesterday) et un très digne Shazad Latif, qui tardent à comprendre la profondeur de leur amitié, c’est gagné, aussi précipitée que soit une fin de pure convention.
What’s Love Got to Do with It?, de Shekhar Kapur (Royaume-Uni, 2022), avec Lily James, Shazad Latif, Emma Thompson, Oliver Chris, Nosheen Phoenix, 1h48.