Troubles au Pérou: des vacances «inoubliables» plaisante un des touristes évacués du Machu Picchu
Quelque 500 touristes américains, français, australiens, allemands mais aussi péruviens, se sont retrouvés coincés mardi au pied du site du patrimoine mondial de l’humanité dans la petite ville de Aguas Calientes (aussi appelée Machu Picchu Village): la ligne de train a été coupée par des manifestants qui protestent contre la destitution et l’incarcération le 7 décembre de l’ancien président Pedro Castillo et demandent de nouvelles élections.
Or, le chemin de fer est l’unique moyen de se rendre à Aguas Calientes mais aussi d’en sortir. Les touristes se sont donc retrouvés à attendre dans l’incertitude pendant cinq jours dans des chambres d’hôtel du village sans leurs affaires, la plupart d’entre eux logeant à Cuzco, la ville impériale inca, située à 110 km.
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«C’était particulier d’avoir des vêtements pour un jour. Et donc de faire la lessive et d’attendre qu’elle sèche en restant tout nu», rigole Kate Lim, l’épouse d’Alex. Malgré les blagues, le couple a beaucoup stressé. Alex, 41 ans, qui souffre d’hypertension et doit prendre un cachet par jour, n’avait pas pris suffisamment de médicaments. Il a finalement pu en obtenir après la visite d’un médecin dépêché par les autorités.
Pont aérien bloqué par la pluie
«On était mieux informé par les autres voyageurs que par les autorités locales», dit-il. Le couple, qui avait commencé un «grand voyage post-covid», hésite à continuer l’aventure ou rentrer à la maison à Toronto. «On va se reposer, se déstresser et on décidera», résume Alex, qui précise que, malgré les manifestations, les Péruviens ont été «accueillants».
Les autorités ont commencé par vouloir mettre en place samedi un pont aérien avec des hélicoptères mais la pluie les en a empêchés. Samedi, «avec l’appui de la police et des forces armées», elles «ont pu envoyer un monorail avec de l’équipement et des hommes pour réparer» et dégager les 29 km de voie entre Piscacucho et Aguas Calientes, explique le ministre du Tourisme Luis Fernando Helguero, présent sur place pour surveiller les opérations et montrer la solidarité du gouvernement péruvien à l’égard des touristes. Piscacucho, un des points de départ du chemin de l’Inca, est le hameau joignable par la route le plus proche de Aguas Calientes.
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«On a découvert par hasard qu’il y avait ce train qui quittait le Machu Picchu dix minutes avant le départ. On s’est précipité», raconte le Brésilien Guilherme Bucco, professeur à l’université de Porto-Alegre. «C’est bien mignon Aguas Calientes, mais une heure après, t’as plus rien à faire! Alors cinq jours… J’ai dû annuler plein de plans et je dois retravailler la semaine prochaine», dit-il. «Mais je suis soulagé de sortir de là».
Conséquences économiques sur le tourisme
Une autre mauvaise surprise attendait les voyageurs. Si les cheminots ont fait leur possible pour réparer la voie, ils n’ont pu retirer une énorme pierre trônant entre les rails, précipitée des falaises par les manifestants. Conséquence, les touristes devaient marcher la nuit tombée quelque deux kilomètres sur les cailloux de la voie ferrée à la lumière des téléphones portables pour rejoindre les minivans qui les attendaient pour les ramener à Cuzco. Si des policiers et cheminots ont aidé certains à porter leurs sacs, le trajet escarpé n’était pas facile, notamment pour les plus âgés. L’Américaine Avis Berney, 77 ans, originaire de Whidbey Island, près de Seattle, se repose sur un rocher et garde sa bonne humeur avec un jeu de mots: «Ma canne me sauve! Je suis retraitée et fatiguée (retired and tired)». Elle philosophe sur les quelques jours passés à l’hôtel d’Aguas Calientes: «Je n’oublierai plus jamais la différence entre le confort de vie et le confort d’être chez soi!».
Après le casse-tête de l’évacuation, le ministre du Tourisme croise les doigts pour que les manifestations qui ont fait 18 morts cessent et que le «tourisme puisse reprendre». «Nous avons calculé une perte de 200 millions de soles (50 millions d’euros)» en raison des événements, dit-il, soulignant que le tourisme représente entre 3 et 4% du PIB et donne de l’emploi «à toutes les strates de l’économie». Il s’inquiète des dégâts sur l’image et la perception du pays que pourraient avoir tour-opérateurs et touristes. «Le problème n’est pas les dégâts d’une semaine, le problème est de retrouver le niveau de tourisme que nous avons eu en 2019 (4,4 millions de visiteurs contre 2 en 22) et de le dépasser pour atteindre 5 millions de personnes».
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