Pétrodollars et mirages – Le Temps

A l’évidence, un gratte-ciel n’est pas habitable sans électricité. Sans elle, et donc sans ascenseurs ni climatisation, les étages supérieurs deviennent inutilisables, l’air suffocant, voire toxique, et il ne suffira pas de poser quelques panneaux solaires sur le toit pour en verdir l’usage – sauf à décider que plus personne ne respire ni ne prend l’ascenseur une fois la nuit tombée. Aussi, sans même évoquer le coût carbone du ciment, du verre et de l’acier que requièrent de telles constructions.

Seulement, nulle part dans le monde (sauf des fois en Suisse, pour les mauvaises raisons), la construction de méga-structures verticales à usage mixte n’est sujette au débat démocratique. La décision de mettre en œuvre une architecture durablement énergivore relève la plupart du temps de décisions privées, parfois de mauvaises décisions publiques, tandis que les conséquences du changement climatique associé à l’accroissement des dépenses énergétiques reviennent toujours à la collectivité.

Favorier un développement réaliste

Dans cette perspective, on se désolera d’en apprendre davantage sur les projets de la famille régnante d’Arabie saoudite. Encouragé par ses armées de consultants occidentaux grassement rémunérés, Mohammed ben Salmane mise des milliers de milliards de pétrodollars dans un genre de développement urbain qui n’a d’ores et déjà aucune chance d’être «neutre en carbone».

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Par contraste, l’architecture de Francis Kéré, lauréat cette année du Prix Pritzker, semble indiquer la voie d’un développement réaliste. En travaillant opportunément avec des ressources locales et des techniques de construction adaptées, les infrastructures qu’il bâtit promettent de rester longtemps confortables et utiles, sans éoliennes ni centrales à charbon supplémentaires.

On regrettera d’apprendre qu’il peine, aujourd’hui encore, à financer ses projets. Tandis que, sur la péninsule Arabique, on convertit si généreusement l’argent en mirages.

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