A Genève et ailleurs, nous devons reconquérir le numérique

Trop vite. Trop loin. Trop fort. Le numérique envahit chaque jour un peu plus nos vies, déboussolant des citoyens qui n’arrivent pas à suivre le rythme. Le sondage réalisé à Genève par l’institut Edgelands est édifiant. Il montre des individus en grande partie perdus face à la pixélisation de la société. Il y a ces géants de la tech qui avalent des pans entiers de leur vie, des autorités qui semblent incapables d’endiguer leur appétit… Et ce n’est pas tout. Il y a cette menace permanente du vol de leurs données. Mais aussi ce sentiment que de plus en plus de citoyens sont en train de devenir des largués de la technologie: cela ne concerne pas seulement les personnes âgées, mais aussi les plus jeunes dont les compétences numériques deviennent vite obsolètes.

Présenté ainsi, le tableau, si sombre, a de quoi faire peur. Et c’est une bonne chose. Il est temps – et en ce sens, les initiatives d’Edgelands sont intéressantes – que l’ensemble de ces problèmes soit débattu sur la place publique. La numérisation croissante de nos vies semble aller de soi, de manière irréversible, accompagnant un progrès qui ne se discuterait pas. Or c’est tout l’inverse qui devrait se produire: chacune de ces étapes devrait être débattue dans l’espace public, sous le contrôle d’autorités élues qui devraient, en théorie, posséder un haut niveau d’expertise sur toutes ces thématiques.

La technologie apporte souvent des réponses extraordinaires à des problèmes complexes. Mais maîtrisée par une poignée d’acteurs privés, sous l’égide de ce fameux capitalisme de la surveillance, cette technologie devient dangereuse. C’est aujourd’hui un instrument de pouvoir phénoménal dont nous perdons petit à petit le contrôle. Or il n’y a aucune fatalité à cela. Il est clairement de la responsabilité des autorités de susciter des débats. Mais il incombe aussi à ces mêmes autorités d’expliquer les choix technologiques qu’elles font. Car rien ne va de soi.

Il n’est pas trop tard

Certaines personnes se sentent de moins en moins en sécurité dans cet espace hautement numérisé. De l’autre côté, une frange de la population nie allégrement tout problème avec les géants de la tech. Ces gens-là n’ont évidemment «rien à cacher» et peu leur importe que leurs moindres faits et gestes, déplacements et paroles soient consignés dans des serveurs situés dans la Silicon Valley. Mais ces mêmes personnes accepteraient-elles de confier à d’autres le code de leur téléphone? Leur laisseraient-elles ouvrir leur courrier numérique et postal? Enlèveraient-elles les rideaux à leurs fenêtres? Pas si sûr…

Il n’est pas trop tard pour se poser toutes ces questions. Espérons qu’elles prennent davantage de place dans l’espace public. Ce ne seront pas les géants de la tech qui en parleront, si ce n’est dans leur marketing léché. Aux citoyens-consommateurs de réfléchir, ensemble, à leurs vies numériques.

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